Deux mois de broussaille sur le visage. La gueule en savane. Je me cherche dans les miroirs. Je rêve rasoir. Fine lame. Acier bleu. Je rêve d’un figaro. D’un vrai. Comme dans les films de Sergio Leone. Fauteuil renversé, en cuir. Mousse épaisse et serviettes chaudes. Un coupe-choux mexicain sous la gorge…

Soleil dégoulinant, pagaille de mouches, poussières lourdes. Le temps est idéal. Sur le bord d’un goudron, une cahute : Elvis Coiffure-Rasage. Parfait ! Mon film se met en place. J’y vais désarmer, un harmonica dans la tête.

Je pousse des deux mains l’inexistence d’une porte qui ne grince pas. Travelling avant. Au sol, des cadavres de cheveux. Aux murs, des posters de Rocky Balboa. Dans un coin, une télé. Mon scénario s’effrite. Dans un autre coin, le fameux Elvis, clope au bec. Taillé comme un boucher. Habillé comme un boucher. Pas mexicain du tout. Gros plan sur ses yeux. Gros plan sur mes lunettes. Il va y avoir bagarre. Plan large. Longueurs moites. Suspens terrifiant. D’un coup, il dégaine une tondeuse électrique…

Plan séquence avant le générique de fin. Je m’en vais dans le soleil pas couchant. J’ai retrouvé mon visage.
Mon petit rêve de western lui, il s’est fait trouer la peau par une tondeuse électrique encore fumante. Trois cent balle dans le bide, ça pardonne pas. Il est resté au sol, agonisant dans une marre de poil… drôle de film ! J’ai du me tromper de continent. Fin.

Math-Math et Cathy…
Une pensée, un clin d’œil, une bise, un dessin et, surtout, une putain de bonne année !!!!

Même pas mort ! C’est juste que bon… je manque de temps.
J’habite au milieu des couleurs, dans une forêt de pinceaux. Faut bien gagner sa croûte. Essayer, au moins.
Plus de nouvelles bientôt…

20 janvier. Jour férié. Et pour cause : fête de l’armée.
J’avale un café saupoudré par la douce mélodie d’un branle-bas matinal délicatement éructé par la virilité poilue d’un clairon plein d’ardeur. Un clairon droit dans ses notes. Un clairon en uniforme. Un mâle, un chouette, un brillant. Taillé dans le cuivre sanguinaire d’un obus de quarante. Le genre de clairon vigoureux, avec plein de muscles et des médailles autour. Un beau clairon claironnant comme ça mon colon, certain que ça te pénètre le troufion, ça te stimule la caserne, ça te met au garde-à-vous. Et sans broncher encore. C’est de l’arme lourde. De l’engin de guerre. C’est pas de la pédale. Même si parfois, bon, avec les copains du régiment, on est tout dentelle, on est pas contre un peu de tendresse, qu’on aime bien se tripoter les gammes, s’astiquer un peu le si-bémol… Mais question musique, c’est recta ! Ça ne fait pas un plis. Pas un postillon de travers. C’est de la partition écrite avec du jus de couille. C’est de la note carré, de la grenaille menée avec maestria. C’est de l’instrument de première classe. Une putain de sulfateuse à requiem. Un bazooka à Te Deum. Une grenade à fragmentation symphonique. Etc, etc… Bref… c’est du héro national ce clairon-là qui vient me cracher dans les oreilles.

Je vomis mon café. Cette petite musique de cons c’est l’histoire de ce pays, c’est l’histoire de l’Afrique entière. L’histoire avec un grand hache dans la gueule.

Ici, c’est en 1960 que le pays a eu droit à son indépendance. Li missié blanc il est gentil, il est bon avec Coco, ui, ui, ui ! A Bamako, il y a le boulevard de l’indépendance. Un long machin avec des voitures qui roulent dans tous les sens. Les champs Élyséens du pays. Une belle ligne droite qui commémore la fin du colonialisme. La liberté retrouvée d’un peuple, l’identité retrouvée d’un pays. C’est un symbole, un post-it pour la mémoire… Et qu’est-ce qu’on a planté, bien gros, bien dodu, bien dégueulasse, bien visible, pile-poil au bout de ce symbole ? Le centre communautaire Français…

Je touille un autre café. Je chasse ce putain de clairon de ma tête. Dans quelques minutes, je décolle pour la campagne, la jungle, la brousse. Enfin loin de la ville et du bruit des bottes. Brassens m’accompagne…

La France est givrée. Blanc neige. Ouagadougou plombé. Rouge sang. Bamako dort encore. Noir ébouriffé.

Moi, je galope dans le matin. Arc-en-ciel.
J’aime bien ces heures-là. Elles sont à moi. Pour moi. Belles. Étranges. Hésitantes. Brouillonnes. Rien n’est encore dessiné. Le monde s’étire. La ville baille. Le décor enfile doucement ses milliards de couleurs. Le bruit fait ses gammes. Le tumulte s’éclaircit la voix. Le rideau bouge. Un soleil s’allume. Trois petits coups…

C’est d’abord un murmure qui grimpe sur les planches. Un moteur qui tousse. Des géométries en pyjama qui craquent leur os. Puis un cheval rouillé qui traverse la scène à rebrousse-poil. Et puis une boutique qui s’ouvre. Et puis une autre. Ali-Baba se frotte les mains, en didascalie. Des oiseaux zébrés griffent le ciel, en aparté. Et puis les premiers figurants arrivent enfin. C’est des enfants !
C’est des marmots, des gosses, des mômes aux pieds rouges. C’est des enfants qui vont réveiller le monde. Agiter le décor. Endormir le silence. Remuer la poussière. Secouer les indolents. Acheter le pain, les cigarettes, le kilo de farine, le galon d’essence, la tonne de riz… Ils n’ont pas le grand rôle. Ils ne sont pas sur l’affiche. Pourtant, ils seront là, du premier au dernier acte. C’est des petits gars, c’est des petites filles. Des arlequins sans âge, des gamins, des gamines. Des gamines surtout !

Des gamines partout. Des gamines qui découpent la buée matinale. Tout à l’heure, elles vont passer le balai, jouer du pilon, accommoder le poulet, chercher de l’eau, récurer les marmites, cirer les parquets en pierre, bercer les bébés, laver le sale, nettoyer le propre, recoudre le fil des heures. Enfin… courir partout, sans cesse, sans repos. Et jusqu’au soir, et pour trois sous à peine, elles seront là. Présentes. Agiles. Vibrantes. En coulisse. Hallucinantes petites étincelles qui mettent le feu aux poudres du matin. Fragiles petits pompiers qui iront éteindre les dernières cendres du soir, quand tout le monde dormira déjà.

C’est fou ce qu’elles ont de force. C’est dingue ce qu’elles portent. C’est délirant comme elles bougent, ces petites abeilles maigres. Ces petites choses invisibles qui font la respiration des heures. Qui battent le pouls des journées. Sans fin. D’un crépuscule à l’autre. Chaque jour et tous les jours encore. Jamais le droit à la fatigue. Jamais de pauses. Pour que dalle. Elles passent, elles virevoltent. Insaisissables et anonymes. Tellement là et pourtant tellement évanouies dans le paysage. Libellules filantes en boubous multicolores. Que si tu les regardes passer, elles te laissent dans les yeux des filaments de couleurs. Elles te laissent dans la peau des éclats de rire. Elles te laissent surtout comme un con, à ne plus savoir si tu dois pleurer ou te marrer…
En tous cas, que si tu les regardes passer, que forcément, tu t’inclines !

Petite pensée pour Mawine et son livre de dessin.
Leçon numéro un : dessinez rapidement les petites choses quotidiennes qui vous entourent...

PS : La musique de ce dessin est signée David Bowie...

Je crois, mon cher vieux capitaine, qu’on va avoir des choses à se dire, un jour...

Les soirées vont êtres longues, les verres trop petits.
C’est qu’il est turbulent, ce petit poisson rouge qui tourne sans fin dans l’aquarium de nos émotions. Elles sont là, elles se promènent, en vrai, en songe. Nos fantômes ondoyants. Nos folies folles. Nos insaisissables petites berceuses.
Et les étoffes, et les odeurs. Et les fragiles, et les lueurs. Et les mystères de leurs abîmes. Et mes cons de mots qui rimes.

Ah ! Belles, toutes, trop...

La semaine dernière a été violente. Le froid, la pluie, le ciel écrabouillé. Les mauvaises nouvelles qui tombent. Les téléphones qui n’en finissent pas de crier leur petite musique de vautour. Et la maladie par ici, et la mort par là… et la vie qui fait sa vie. Bref, semaine inutile, chaotique. Inintéressante. Et les jours passent, et puis bon… Le soleil revient. Change de chemise. S’amuse. Fait la course avec les paysages. Les couleurs reprennent des couleurs. La ville se réveille. Et les sourires…

Week-end en famille. On a des choses à faire. Un peu de bricolage, un peu de cuisine, des trucs à fêter, un zoo à visiter et puis des soirées à remplir de palabres. On flâne. On se promène dans la douceur du moelleux retrouvé. Ouf ! C’est drôle l’Afrique. Ça te prend dans le fond de la viande et ça prévient pas. Ça fait mumuse avec ton âme. C’est tranchant une seconde, caressant juste après. C’est brut, fiévreux, sans transition. Si tu manques de souffle, tans-pis pour toi. Ce n’est pas une mauvaise mère, au contraire. Elle enseigne qu’avec un peu de temps, tout s’apprivoise. À commencer par soi-même.