Pffft ! J’aurais bien voulu une maladie qui me fasse au moins œuvrer. Un peu écrire. Un peu rêver. Mais elle m’anéantit… je suis tout blet et plat. A remâcher sans cesse… ressasseur… En croix. Même miné au physique. Tout en hésitations. Sans desseins. Sans envies aucunes…

Ce matin encore, vivisecté à l’aiguille. Prenez donc tout ! Pompez, pompez ! Même mes petits chapelets de viscères, mes dentelles d’organes. Prenez, prenez ! Parfois l’envie de hurler… Bordel ! Arrêter vos saintes pilules miraculeuses. Laissez-venir les petites lumières du fond des corridors. Découpez-moi la cervelle ! Bocal ! Formol pour les collectionneurs. Gardez-les tous mes capharnaüms… !
Qu’on n’en parle plus ! A moins d’un dernier baiser pour la route…


L’angoisse. La dépression. Tu parles d’un état d’âme ! C’est une violence, une salope de maladie qui ronge le bide, qui rayonne dans l’âme. Une pute qui dure, qui dure encore et s’installe. Jusqu’a devenir une partie de soi. Jamais tu t’habitueras. C’est toujours aussi neuf, aussi sauvage, violent. C’est comme ça, c’est pour toujours. Tout a un goût de mort, tout !

Le pire c’est que c’est l’histoire d’un premier regard. Comme un amour dingue ! On s’imagine seul au monde et puis… non. Un jour on s’aperçoit qu’on est vraiment seul… sans l’autre. C’est ça le vice, la tâche sur le scanner. Tu penses devenir, réaliser… mais elle est là toujours ! Cachée, têtue, ténue. Tu le sais pas encore… Même les projets jamais réalisés tu oses y croire. Et les jours de fêtes… même les promesses jamais tenues, finalement c’est ça qui te fabrique peut-être, qui fonde en profondeur. Que tu sais que la vie galope. Il n y a qu’une seule partie à jouer, qu’il faut profiter. Que le mieux qui reste à faire c’est de rendre vrais les rêves d’enfance… Mais elle est là…
Nous sommes tous des putains de mutilés de nos rêves, et on ne trimballe pas impunément tout un cimetière avec soi…

Merci grand Paulo pour ce retour en arrière de presque… dix ans (~2014) !

“Il faudrait que quelque chose arrivât…
Dans ma vie, dans ma propre vie, je me sens toujours comme le gars pas du coin tombé dans un bistrot d’habitués. J’ai souvent l’impression que le moment que je suis en train de vivre, le présent, ne compte pas. Que c’est juste une simple préparation à un lendemain qui, lui, sera le vrai moment. Le seul. Le pleinement vécu. Aujourd’hui c’est du vent. Ce n’est qu’une répétition, un brouillon, une grisaille… un truc flou et sans importance. En attendant je fais mes gammes, tranquillement. Je m’échauffe. Je trie les pièces du puzzle. Je fais le tour du bocal. Je boucle ma valise sans me poser de question, puisque c’est demain et bien demain le grand commencement. Aujourd’hui je m’en moque, c’est demain qui sera tout. La belle promesse. Le grand jour de fête. Le lumineux vertige. Le départ du bateau. Le premier jour de la vraie vie. Le réel, c’est demain.

Evidement, je me casse la gueule. Chaque demain n’est qu’un aujourd’hui qui prépare un autre demain et qui se mord la queue. Jamais je ne rattrape la carotte. Je manque de souffle. Je vis en décalage. Je ne sais même plus si j’existe et, quand j’y pense, ça me fout la panique dans le ventre et le mal au crâne dans le crâne. J’entends alors cette lancinante petite musique atroce qu’est la survivance d’un passé qui ne fut pas vécu. Ça fait bobo en dedans. Ça donne une vie dans les tons gris sale, mais une vie. C’est alors le moment de rebondir. De se réveiller. De se donner des coups de pieds à l’âme, sinon au cul, de profiter de l’élan et de se dire que ça ira mieux, demain…”

Traîner tête basse dans la lumière des néons. Ne plus savoir ce qu’il reste du jour ou de la nuit. Il fallait y être bien sûr… la promesse ! Je connais, j’ai vu déjà, ailleurs… autrement. J’ai cru que c’était il y a longtemps, dans le jadis…
Mais ce soir, ça fatigue, ça remonte. Mémoire salope !

Rien n’est vraiment fine fleur ! A genoux, couché, à la bouffe, aux chiottes, à la douche. C’est attristant comme s’occupe une journée. Les imaginations qu’il faut pour assassiner une pendule. Dragées arc-en-ciel pour tout repas. Sortir entre trente clopes et vingt cafés immondes pour tasser le tout. Essayer parfois d’être un peu au monde… sortir, marcher à petit pas. Rêver laudanum. Croiser une ambulance. A quand la mienne ? La mienne à moi ?! Errances… méandres, détours, seul et sans qu’une putain de lumière vienne porter secours. Même pas ces putasses de pilules que tout assomme lâchement ! Tout s’évapore dans la caboche. A commencer par les mots…

Reste le doute. Les hésitations. Les vieilles lunes… on ne voile pas les vieilles lunes.
Il y a mes Paulo pourtant… ils y croient eux, je les sais… !

Sans elle, un instant, vous existez plus !
L’éthanol, ça rendait plus bavard. C’était pour mieux fermer la gueule au monstre caché sous le lit. A celui qui t’as aspiré toute ta fontanelle. A celui qui a égorgé toute ta volonté.

L’ivresse… petite fée verte effrénée, bagareuse, à tenter toujours de bâillonner la bête. Mais enfin… l’ivresse ! Pour l’exaltation. Pour oublier les freins. Pour croire, dire, ou entendre des mots plus doux, plus enthousiastes sur le vécu… Le vrai, le beau, le faux, le laid. Pour avouer, peut-être enfin, qu’on cache au fond de sa poche une sylphide armée d’une pioche… mais qu’elle est bien incapable !

Foutre ! Mais t’es tout seul mon monstre à être ton monstre !!!
Ta fée c’est toi qui en fait une connasse !

Ta fée c’est une luciole ! Et les lucioles ça ne traîne pas trop dans les tunnels…

J’étais l’enfant du jamais.
L’enfant du jamais fait, du jamais dit, du jamais là. Le gosse effacé, déjà fantôme. Si maigre. A peine enfant et déjà presque au bout de l’habitude, là où meurt l’imaginaire. Et maintenant ? L’ombre d’un sac d’os… sans avis, sans envies, sans caprices, sans desseins.

Pourtant j’aime le brouillard : on y voit rien, alors on invente…
Où sont les songes et les couleurs… ?!


Je suis un vieux loup qui court après une charogne. Avec une jambe d’ivoire un œil de feu. Un de ceux qui harponnent les sirènes…

Dans un verre, dans un lac, dans un océan tout entier. Je vais glanant des trucs dégueulasses au jusant de la vie. Je pioche des graines fauves, mauves et absinthes. Des trucs portés par le vent. Je sais des paradis sans frontières. Des rivages sans foi ni loi, sans feu ni eau, ni lieu. Des profondeurs où semer ce genre de choses. Des océans d’orage. Ils me manquent ! La vie c’est toujours la mer à boire. On y navigue seulement aux nuages… Même les étoiles, ça se bouffe !