Je voulais me promener un peu… il pleut ! La nature est espiègle, taquine et narquoise ! Elle doit m’en vouloir pour quelque-chose, alors elle chatouille… boude un peu, renâcle. Et moi me voilà tout puzzle ! Je tourne en rond… enfin je crois que ce sont des ronds ?! Je ne sais plus me retrouver. Ni mort, ni vif, ni quoi… L’hôpital est un lieu étrange, on en prend l’hébétude !
Je ne pense pas qu’on puisse prévoir l’avenir, mais peut-être faut-il au moins se le permettre ?! C’est fou ce qu’il faut s’inventer de réalités autour de soi. Des réalités qui puissent durer, se maintenir nus et toutes entières. La vie se contredit tellement ! Il faut de la débrouille, de l’astuce, des échappatoires. Oublier que hier n’existe plus, c’est juste une photo, une larme. Que demain ce n’est que la mort. Simple et con comme le temps qui passe. Reste encore les rêves qui devraient tout entiers dévorer la vie, pas l’inverse…
Il existe probablement, à la sortie de cet hôpital, un inconnu qui m’attend. Moi…
La dépression, l’ennemi mortel du rêve ! Ça vous sabote le vivant.
Ça s’installe jusqu’à devenir une partie de soi, sans qu’on s’y habitue jamais ! Ça rayonne. Toujours aussi neuve, toujours aussi sauvage. Ça ne veut pas franchement dire son nom, ça se cache dans les plis et les replis de l’esprit et du corps.
Pourtant je cherche, je fouille, je touille les débris. Tout entier dans l’incendie à chercher une clef. Rien à faire ! Pleurer beaucoup et pour rien. Tout en noir et blanc. Ça donne une danse dans les tons gris sales. Et muette. Il faudrait éteindre ce silence. J’éponge la vie au fur et à mesure qu’elle s’écoule. Parfois il y a des arcs-en-ciel de mieux. Mais il y a des jours ou elle ne demande qu’à s’évader, la vie. Ça me dépasse… vivre à regret, à tout petits coups…
Promenade dans les rues. Tout est du bruit. Tout ! que même l’écho n’arrive pas à suivre. Je me dissimule en rasant les murs, dans l’ombre. Quelques heures à marcher dans le blafard. A nager entre l’asphalte et le pavé. A contre-courant. Tu parles d’une promenade ! Une course vers un néant profond. Même noyé dans la foule, j’ai la tête basse et la marée me monte aux yeux ! Moi qui n’avais peur de rien. J’ai le doute coupé en deux… avec une désespérante envie de regarder l’incroyable. Mais ce vertige… cette saloperie ! Retour au panier. Pas beaucoup plus serein en vérité. Mais il faut bien être quelque-part…
La nuit là, d’où j’écris, dans un abîme, j’entends miauler des violons. Mes sanglots longs rien qu’à moi. Un drôle de langage d’écorché où la vie se ratatine. C’est comme si j’avais déjà quitté mon enveloppe terrestre. Je ne mange plus, je ne dors plus, j’écris dans la brume. Vivant à grande peine dans une vapeur, à agiter des pensées de fantôme. Hiboux hululant au creux des catacombes. L’âme pas apaisée. Juste des dragées de toutes les couleurs pour pisser sur l’incendie. Drôles de sirènes. Et des aiguilles ici et là, qui pompent le peu qu’il reste dans les veines. Ils font qu’un tas de tout mon corps. Ils me recollent des morceaux de viandes au hasard. A l’intuition. Et ma poésie alors ?! Ah ! ce qu’il faut traverser de déluges pour souffler un peu ! Respirer ! Je réussirai !!!
L’hôpital. Le froid. Ce genre d’endroit, quand on y reste un peu longtemps, on y reste toujours un peu. Ça fascine, ça obsède, ça possède en sorte. Avec toujours la trouille d’y revenir un jour à l’autre… La trouille des grilles, des hauts murs, tout à doubles tours. La vie ça ne sert qu’à vivre. On voudrait la retenir, mais on y arrive pas. Ce n’est pas simple comme voyage. Cascades de catastrophes. On se cherche une luciole, une aurore au cœur de la nuit…
Quelquefois j’avoue, le chagrin me poigne. Tout m’attrape. L’âme maudite. Que les nuits sont des enfers infinis. Que je pourrais m’emboutir la tête. Faire trembler les murs… de tout cœur !
Mais ce matin j’ai vu du printemps. Un printemps qu’on attend pas. Deux petites mésanges au bord de la fenêtre venue picorer les quelques miettes de pain que j’avais laissé pour elles. Ça piaille, ça fait des boules de couleurs qui semblent laver la nuit et faire fleurir la lumière. C’est une danse avec des courbes fragiles et agiles…
C’est con comme toute chose, c’est beau et ça donne à penser.